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Les Archers d'Amiens à travers les siècles

On peut accorder aux fidèles du « noble Jeu » de l'Arc, la plus haute ancienneté parmi tous les groupements dans les villes du Nord de la France et de la Belgique. Si les premiers textes, certains relatifs aux archers, dans les archives d'Amiens, ne datent que du XVème siècle, c'est que la tête de ces archives est perdue : nous connaissons cependant cinq siècles de leur histoire qui ont été résumés par l'érudit amiénois Auguste JANVIER dans une «Notice» publiée en 1855.

 Il est vraisemblable que des troupes armées furent instituées pour la défense et la police de la cité peu après 1117 avec la victoire des Amiénois révoltés contre la tyrannie seigneuriale et l'érection de la ville en «Commune» administrée par ses élus ; un «Serment» d'archers en devait former l'élément essentiel : «Serment», parce que, lors de son admission, le candidat archer jurait de respecter les Statuts du groupe, l'autorité de son Capitaine et celle supérieure, du Maïeur de la ville.

 L'historique de toute aussi ancienne formation d'archers, peut-être divisé en trois périodes :

celle d'une milice urbaine, jusqu'au XVIIème siècle ;
d'une «Compagnie privilégiée», jusqu'en 1790 ;
d'une association sportive, depuis le commencement du XIXème siècle.

 


 

 MILICE URBAINE D'AMIENS 

Les archers de la milice urbaine d'Amiens étaient ainsi équipés et vêtus : ils devaient représenter à toute revue, un arc en bois d'if, douze cordes de soie tressée, une « trousse » (carquois) garnie de dix huit flèches de frêne, une épée, une dague, une «salade» ou casque rond en fer, un bonnet d'étoffe à placer sous le casque, un «gorgerin» de métal, une cotte à manches ou «brigandine» faite de plaques métalliques, un «hoqueton» ou blouse pour couvrir la cotte, en drap épais mi-partie rouge, mi-partie bleue, les couleurs des Armes d'Amiens, d'ailleurs brodées sur le hoqueton, un  «brasselet» de cuir ou de métal (d'ivoire pour les parades), protégeant le poignet contre la rude retombée de la corde.

Les archers de la milice urbaine d'Amiens étaient ainsi équipés et vêtus : ils devaient représenter à toute revue, un arc en bois d'if, douze cordes de soie tressée, une « trousse » (carquois) garnie de dix huit flèches de frêne, une épée, une dague, une «salade» ou casque rond en fer, un bonnet d'étoffe à placer sous le casque, un «gorgerin» de métal, une cotte à manches ou «brigandine» faite de plaques métalliques, un «hoqueton» ou blouse pour couvrir la cotte, en drap épais mi-partie rouge, mi-partie bleue, les couleurs des Armes d'Amiens, d'ailleurs brodées sur le hoqueton, un«brasselet» de cuir ou de métal (d'ivoire pour les parades), protégeant le poignet contre la rude retombée de la corde.

 Le «Grand Serment» était formé de 90 hommes recrutés dans les plus notables familles de la bourgeoisie, car à une date ignorée, peut-être  à la fin du XVème siècle, fut institué un «Petit Serment» de 60 hommes. Ces 150 archers formaient, avec 60 arbalétriers, les éléments spécialisés de la petite armée municipale. Après la vulgarisation des armes à feu (à la fin du XVème siècle), ils se compléteront de 60 arquebusiers et de 80 couleuvriniers (cavalier ou fantassin armé d'une couleuvrine à main).

L'un et l'autre, Petit et Grand Serments étaient aussi des associations pieuses, des confréries : celle du «Grand Serment» sous le patronage  de Saint Sébastien, que les païens tuèrent en le perçant de flèches ; celle du «Petit Serment» sous celui de Sainte Christine, qui subit la même forme de martyre. Le «Grand Serment» faisait célébrer ses offices particuliers, notamment une messe solennelle le jour de son patron  (20 janvier), sur l'autel latéral de gauche de l'église Saint-Leu.

La ville accorda en maintes circonstances au Roi, le secours de ses archers : notamment ils prirent leur part à la victoire de Bouvines en 1214. Ils furent opposés plusieurs fois, pendant la Guerre de Cent Ans, aux archers anglais mieux armés ; leurs arcs, haut de deux mètres, envoyaient à plus de deux cents mètres une flèche longue et épaisse.

Le «Jardin» du «Grand Serment», autour d'une perche du tir «à l'Oiseau» ou «Gay» (le tir «au berceau» ne sera adopté qu'au XVIIème siècle), reste situé, du XVème siècle à 1790, contre les remparts devenu le boulevard Baraban, du côté de la ville : il couvre une île qui s'allonge du pont Baraban au pont des Célestins (emplacement des Etablissements Blondel et alentours) ; le nom de la rue des Archers est un dernier souvenir de ce Jardin.

 Là, une fois l'an, avait lieu un grand concours : celui qui abattait «l'Oiseau» (une silhouette de perroquet ou «Papegay» ; parfois une oie grasse) était, comme aujourd'hui encore, proclamé «Roy» ; l'abattait-il trois ans de suite, il devenait «Empereur» : Roy et Empereur recevaient des honneurs, des privilèges, des insignes particulières.

 Par de pacifiques rencontres entre Serments de villes diverses, même assez éloignées, étaient assuré l'entraînement, et développé l'émulation. Ces joutes étaient dîtes les «Nobles jours» ; le messager qui apportait l'invitation recevait de la municipalité, un beau cadeau, argent ou joyau.

 Nos archives permettent de suivre les archers du XVème siècle à Montreuil-sur-Mer, à Béthune, mais aussi à Tournai, à Gand. Quand ils allaient concourir en 1404 à Malines, ils faisaient en chariots un voyage d'un bon mois.

 Alors et aussi quand ils rendaient à La Hotoie les politesses qui leur avaient été faites ici et là, très lourdes étaient les dépenses ; le Maïeur et les Echevins ne manquaient pas «d'aider aux grands frais et mises» de ces Serments qui allaient à la conquête de trophées lointains ou recevaient ceux qui les avaient conviés, et chaque fois agissaient «pour le Bien et Honneur» de leur ville.

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COMPAGNIE PRIVILEGIEE

Les progrès de l'armement, l'arquebuse remplaçant l'arc ; l'organisation, par François 1er, des éléments d'une première armée régulière, de métier, supprimaient le rôle guerrier, surtout en Picardie. Elle cessait, à la Paix des Pyrénées (1659), d'être province frontière, zone d'invasion.

 Si les archers d'Amiens sont mandés encore, sous Louis XIV, aux sièges d'Arras, de Saint-Omer, de Dunkerque, ce n'est plus que pour assurer des escortes de prisonniers, des convois de munitions...

Alors, le Serment, de milice qu'il était, devient «Compagnie privilégiée». Déjà, l'archer des siècles précédents avait joui d'exemptions d'impôts et de charges, comme le guet au rempart, le logement des gens de guerre. Il bénéficiait du «Franc salé», c'est à dire qu'il ne payait pas, sur le sel qu'il achetait, le lourd impôt de la «gabelle». Ces avantages l'avait fait appelé le «franc archer».

Ils sont maintenus aux Membres des Compagnies quand la ville ne leur demande plus en retour que des services assez espacés de police ou d'apparat. Ils doivent se mettre à la disposition de l'autorité en tous cas d'«alarme et effroi», incendies, émeutes... Ils prennent rang en uniforme et armes, à toutes les grandes solennités religieuses ou civiles : procession de la Fête-Dieu, feu de la Saint-Jean, «Te Deum» et feux d'artifices au lendemain ou aux anniversaires de victoires, entrées de grands personnages...

Nos archers du Grand Serment ne portent plus, ni casque ni cottes de mailles, mais un habit à la française, de drap blanc à parements bleus galonnés d'argent ; gilet, culotte et bas bleus ; chapeau tricorne à plumet blanc et bleu ; épaulettes de laine blanche ; l'épée au coté ; sur la poitrine, une médaille à l'effigie de Saint-Sébastien.

En tête de leur brillant cortège, marchent tambours et fifres suivis du Porte-Bannière : leur Bannière où est brodée la date de 1733, est entrée au Musée de Picardie.

C'est au XVIIème siècle que le Tir au Berceau devient l'exercice habituel, mais le concours annuel de «Tir à l'Oiseau» est maintenu. Les rendez-vous donnés aux Compagnies étrangères ne s'appellent plus les «Notables Jours», mais Prix Provinciaux ou Prix Généraux, suivant le rayon dans lequel sont distribués les invitations. Ces réunions deviennent plus fastueuses, plus coûteuses encore que celles des siècles passés.

Alors que les anciens Statuts étaient élaborés par le Serment lui-même et homologués par la Municipalité et qu'ainsi  ils différaient de ville à ville, une loi commune est acceptée par  presque toutes les Compagnies au XVIIIème siècle ; elle est encore en vigueur aujourd'hui après quelques retouches imposées par l'évolution des idées et des usages : c'est le « Règlement Général » en 70 articles, publié en 1733 par Arnauld de Pomponne, Abbé de Saint-Médard de Soissons ; il se qualifiait, sans titres très probants, de «Grand Maître de l'Archerie de l'Arc en France» parce que.les reliques de Saint-Sébastien avaient été apportées à son Abbaye en 840 !

La Révolution supprima toutes associations, depuis les Corporations d'artisans jusqu'aux Académies des Ecrivains et des Savants. Les Compagnies «privilégiées» - ce seul mot devenait odieux --  furent dissoutes le 13 juin 1790 ; leurs biens, Jardins, pavillons, mobiliers, vendus le 16 janvier 1792. 

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ASSOCIATON SPORTIVE


C'est en Société d'agrément, d'exercice sportif que se regroupent promptement, au début du XIXème siècle, les archers des villes et des villages. La Compagnie Fondamentale des Chevaliers et Archers d'Amiens est constituée, dès le 14 novembre 1803, par les soins de descendants d'Officiers de la Compagnie du XVIIIème siècle, Gérard et Madaré. Amiens moderne a parfois possédé jusqu'à quatre associations d'archers ; lors de l'établissement de la gare (1845 - 1847), des cheminots formèrent une «Société du Nord» qui fut éphémère ; elle disposait d'un terrain à l'angle de la Voirie et du Boulevard de l'Est (actuellement Boulevard d'Alsace Lorraine).

Seule, la Compagnie Fondamentale des Chevaliers et Archers d'Amiens a été, le long du dernier siècle, permanente, mais vagabonde. Elle a dû installer tour à tour ses Buttes et ses Allées au Bastion de Longueville (nivelé vers 1840, lors de la création de la place de ce nom), au Vivier (rue de ce nom), contre le Boulevard Fontaine (actuellement Boulevard Carnot), sur le Bastion de Guyencourt (seul reste de l'enceinte, contre le pont de Saint-Roch), dans l'ancien fossé contre le Boulevard Saint-Jacques (actuellement Boulevard Faidherbe), avant de devoir, en 1913, au mécène amiénois Edmond Soyez, son stand actuel au 15 rue de Lannoye.

L'archer contemporain n'a plus de tenue uniforme, mais lui est imposé le port d'une casquette ornée de quelque emblème d'archerie. Les Compagnies sont fédérées en «Rondes» régionales : celle d'Amiens fait partie de la «Ronde de Picardie» que forment 24 Compagnies.

Dans chaque Ronde, une grande fête, le «Bouquet Provincial» a lieu chaque année ; tout centre affilié à la Ronde l'organise à son tour. Cette fête est le jour d'ouverture d'un concours entre les Compagnies de la Ronde et toutes autres qui ont été priées et les tirs en sont répartis sur tous les dimanches de l'été. Le premier fut organisé en 1903 pour le centenaire de la Compagnie et le dernier en 1939.

La Hotoye : Amiens avait quatre portes :
- celle de Beauvais se trouvait dans la partie haute de la ville, la plus élevée et la plus méridionale ;
- la porte de Noyon est située au levant de la place ;
- celle de Montrescu était dans la partie la plus septentrionale, (cette porte fut plus tard enclavée dans la citadelle. A sa place fut construite celle de Saint-Pierre) ;
- enfin, la quatrième, appelée de Hautoye ou Autoye (se trouvait entre celle de Beauvais et celle de Montrescu).
Au XVème siècle, la ville d'Amiens peut-être mise au rang des plus florissantes de France. Amiens était embelli par deux promenades publiques principales : le Rempart et l'Autoye. La tradition veut que le fond où se trouve la seconde ait été donné à la ville d'Amiens par une jeune fille, dont le testament portait : «Je donne à la jeunesse d'Amiens mon pré nommé l'Autoye, lieu ou jadis j'anfoye».

Les Archers d'Amiens à travers les siècles : écrit par Pierre Dubois, en 1939, à l'occasion du Bouquet Provincial organisé à Amiens.

La Hotoie : «Amiens et son passé» des Editions du Bastion

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